La liberté individuelle est la source des progrès de la civilisation.
La prospérité économique que connurent les sociétés occidentales à partir du XVIIIe et XIXe siècles est, en bonne partie, une conséquence de la valorisation de l’individu, du respect de sa liberté et de ses droits.
En effet, l’individu moderne, fort de ses droits et de sa liberté nouvellement acquise, pourra librement exprimer ses talents artistiques, intellectuels, économiques, etc. Pour comprendre ce point, il importe de faire une remarque sur l’ontologie sociale sur laquelle repose libéralisme, c’est-à-dire sa vision de la réalité sociale.
En somme, l’individualisme affirme que seuls les individus pensent et agissent. La société est essentiellement un ensemble d’individus en interaction... Il n’y a pas d’autres réalités objectives que l’individu. Les collectifs (États, églises, entreprises, syndicats, nations, partis, peuple, etc.) sont des constructions à partir d’actions individuelles. Leur existence est seconde et dérivée. Ils n’existent pas indépendamment des individus rentrant dans leur composition. En cela, l’individualisme ontologique s’oppose à l’holisme ontologique, doctrine pour laquelle :
« […] la société est une entité qui vit de sa vie propre, indépendante et séparée des vies des divers individus, agissant pour son propre compte, visant à ses fins à elle qui sont différentes des fins poursuivies par les individus ».
Ludwig Von Mises. L’action humaine, Chapitre VIII, p. 168.
Le mythe de l’entité collective
Les entités collectives ne peuvent agir que par le truchement d’individus particuliers, mandatés pour parler et agir en son nom (typiquement, les fonctionnaires). Elles ne peuvent penser et agir par elles-mêmes. Penser le contraire équivaudrait à tomber dans une forme d’animisme. Il en résulte, également, que seuls les individus peuvent avoir des droits et non les collectifs.
Une politique libérale, consacrant la valeur de l’individu, présupposera de comprendre, par conséquent, que ce sont les individus qui créent, innovent, produisent, échangent. En conséquence de quoi, un gouvernement, s’il veut développer au maximum les « forces productives » de la société, pour parler comme ce vieux farceur de Marx, devra créer les conditions institutionnelles le permettant et lever tous les obstacles à l’expression de la productivité/créativité/capacité d’innovation des individus.
L’existence du marché présuppose une culture qui valorise l’individu et d’un État garantissant le droit de propriété et les libertés fondamentales. En effet, la créativité faisant la grandeur d’une civilisation est le fait des individus qui la composent. Seuls les individus pensent et agissent. Par conséquent, la création, les découvertes, les innovations seront toujours le fait d’individus coopérant pour atteindre leurs objectifs respectifs. L’économie, la science et les arts d’une nation ne peuvent donc se développer pleinement qu’à la condition que ses membres jouissent de la liberté d’exploiter pleinement leurs potentialités.
En opprimant les individus, en les comptants pour rien, en les sacrifiant à la grandeur de la nation, comme s’il s’agissait d’un vulgaire carburant que l’on pourrait consommer en toute impunité, comme si, au passage, nous étions la propriété de l’État et qu’il pouvait disposer de nos vies et de nos biens comme bon lui chante, une civilisation se prive, sans s’en apercevoir, du moteur de sa productivité, de sa créativité et donc, finalement, des moyens de sa grandeur.
Emancipation
Ainsi, au lieu de se substituer aux individus, l’État devra les laisser produire et échanger librement, rechercher librement la vérité, créer, innover, expérimenter ; le rôle positif du gouvernement devant dorénavant se borner à créer et maintenir les conditions institutionnelles de la liberté, à savoir ; protéger le droit de propriété et assumer sans faillir ses fonctions régaliennes (police, justice et défense nationale). En un mot : un bon État est un État qui s’abstient de trop intervenir. Tel est le paradoxe qu’il convient de comprendre si l’on souhaite vivre dans un pays prospère.
Le domaine dans lequel les effets bénéfiques de l’individualisme furent le plus flagrants reste celui de l’économie. Grace au développement d’une culture qui valorise l’individu et sa liberté, et d’États garantissant le droit de propriété et le respect des contrats, chacun peut produire et échanger librement sur le marché.
La prospérité générale découle du respect de la liberté et des droits de l’individu, non seulement de la part de l’État, mais des individus entre eux. Autrement dit, la prospérité économique que connurent les pays occidentaux peut être vue comme une conséquence non intentionnelle, imprévue, du respect de la liberté et des droits de l’individu.
La prospérité est une conséquence
L’application de ces principes éthiques entraîne des conséquences économiques inattendues. En effet, le marché peut être compris comme un vaste système de coopération liant des millions d’individus entre eux, les poussant à se rendre mutuellement services, sans même qu’ils aient besoins pour cela de se connaître et même de s’aimer. C’est l’intérêt qui lie les hommes entre eux, qui les pousse à coopérer pour satisfaire leurs besoins.
Les gains de productivité que permet la division du travail et les échanges volontaires de biens et de services, permettent la satisfaction d’un nombre considérable de besoins qu’un individu isolé aurait du mal à satisfaire seul. L’idée centrale du libéralisme est que je ne puis satisfaire mon intérêt qu’en satisfaisant l’intérêt d’autrui – à la condition que nos droits soient respectés. C’est là le cœur de la théorie de la « main invisible » d’Adam Smith :
« Mais l’homme a presque continuellement besoin de ses semblables, et c’est en vain s’il se fiait à leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s’il s’adresse à leur intérêt personnel et s’il les persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu’il souhaite d’eux. C’est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque ; le sens de sa proposition est ceci : donnez-moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même, et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s’obtiennent de cette façon ».
Adam Smith. La richesse des nations, « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre I chapitre II.
Sur un marché libre, je n’ai pas d’autre choix, pour prospérer, que de faire mieux que mes concurrents pour satisfaire les besoins de mes clients. Je n’ai pas besoin de viser explicitement le bonheur d’autrui pour cela, seulement de me concentrer à maximiser mon utilité en optimisant mes processus de production. De même, c’est en voulant que ma liberté et ma propriété soient respectées que je veux des règles qui protègent celles d’autrui.
J’en profite ici pour souligner un point important qui empêche les gens de comprendre le fonctionnement du marché libre ; le jeu économique n’est pas un jeu à somme nulle dans lequel les gains des uns seraient les pertes des autres. L’échange volontaire sur le marché est mutuellement avantageux en ce qu’il permet au vendeur et à l’acheteur d’obtenir tous deux ce qu’ils veulent. L’intérêt des deux parties s’en trouve satisfait. Il n’y a pas de gagnant et de perdant dans la transaction.
Conclusion :
Produit de l’influence combinée du christianisme, de la philosophie grecque et de la philosophie des lumières sur les esprits européens, l’affirmation de l’individu rationnel, libre et responsable, cherchant, par ses efforts organisés, à améliorer sa condition en utilisant au mieux ses ressources (intellectuelles, matérielles, économiques, etc.) constitue un pilier de la civilisation occidentale. On ne peut dissocier, sans incohérence, la prospérité et le développement technique et scientifique d’une défense intransigeante de la liberté individuelle.