Le 13 mai dernier avait lieu le sommet de Choose France, un événement qui a réuni près de 240 chefs d’entreprise français et étrangers, des ministres et des administrations. Pour la cinquième année consécutive, la France est considéré comme le pays le plus attractif d’Europe avec 1 194 projets d’investissements étrangers, devant le Royaume-Uni (985) et l’Allemagne (733) selon le baromètre EY. Au final, Choose France a débouché sur 15 milliards d’investissements étrangers pour une création de 10 000 emplois.
Un chiffre bien insuffisant pour Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation Ifrap : « C’est très faible. Cela revient à 1,5 million par emploi. » Les projets de Choose France seraient plus petits et compteraient moins d’emplois que ceux de l’Allemagne ou de l’Angleterre.
À en croire le compte rendu du Conseil des ministres publié le 21 mai, les résultats flatteurs du baromètre seraient le fruit « de la politique économique, écologique et industrielle du Gouvernement » qui va de pair avec une stabilité fiscale, une baisse des impôts pour les entreprises, ainsi qu’une politique de l’offre. C’est pourtant loin d’être évident. La pression fiscale continue d’augmenter de manière insidieuse à travers la hausse des prélèvements obligatoires qui dépassent désormais 45 % du PIB. Le taux implicite de taxation du capital est estimé à 60 % par la Commission européenne, presque deux fois plus qu’en Allemagne (31 %), en Italie (32 %) et en Belgique (38 %).
Lorsque l’on regarde le baromètre d’EY plus en détail, on se rend compte que ce sommet ressemble surtout à une campagne de communication sur une France qui n’est peut-être pas si attractive que cela pour les investisseurs étrangers. Si la France est en tête des projets d’investissements, elle connaît une baisse de 5 % par rapport à l’année dernière, alors que ces projets sont en hausse au Royaume-Uni (+6 %), aux Pays-Bas (+7 %) ou en Suisse (+53 %).
Certes, la France s’inscrit dans une Europe en déclin : la tendance est à la baisse progressive des investissements directs à l’étranger (IDE) sur le continent européen (- 4 %). La zone Euro présente un faible taux de croissance par rapport à ses voisins américains et asiatiques. Il est passé de 3,4 % en 2022 à 0,4 % en 2023… Le contraste est fort avec les États-Unis (de 1,9 % à 2,5 % en 2023) et l’Asie (de 4,5 % à 5,6 % en 2023). Même si Emmanuel Macron s’abstient bien de le mentionner, le baromètre relève le déficit de compétitivité de la France auprès des dirigeants étrangers, notamment en raison du poids de la fiscalité, du manque de financement des entreprises, d’une moindre compétitivité-coût et d’un climat social dégradé. La France connaît également une chute importante du nombre de projets d’investissements dans ses industries historiques telles que la chimie (-23 %) et l’agroalimentaire (-24 %).
On pourrait tempérer la situation au vu de l’augmentation des licornes de la French Tech, ces start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars et qui ne sont pas introduites en bourse. L’objectif d’atteindre 25 licornes d’ici 2025 a été atteint trois ans à l’avance. On oublie toutefois de préciser que la French Tech est une initiative du gouvernement qui consiste à mêler argent privé et argent public pour financer des entreprises sélectionnées de manière plus ou moins opaque. Ce capitalisme de connivence qui confond allègrement investissements et subventions est typiquement français puisque le secteur public est le premier financeur des start-ups en France, et non les investisseurs institutionnels comme aux États-Unis (caisses de retraites, fondations, compagnies d’assurance).
On oublie aussi de rappeler qu’une part non négligeable des licornes les plus prometteuses s’expatrient aux États-Unis : la France compte 18 fondateurs de licornes américaines derrière le Royaume-Uni (27), le Canada (22), la Chine (21) et juste devant l’Allemagne (15). La raison est simple : en France, la prise de risque est moins récompensée, le profit et la richesse ne sont pas applaudis, tandis que les États-Unis continuent de bénéficier de leur forte tradition entrepreneuriale, d’un marché du travail dynamique et d’une concurrence fiscale entre États. Ce n’est pas pour rien si les Américains sont environ 40 % plus riches que les Français en 2022 ou que le top 10 des plus grandes entreprises par capitalisation boursière est majoritairement composé d’entreprises américaines.
Les gouvernements successifs auront beau multiplier les plans, les initiatives, les projets au frais du contribuable, ils continueront de masquer la réalité d’une économie sous perfusion étatique qui souffre d’une concurrence faussée par l’État, d’un coût du travail alourdi par la fiscalité et d’un trop plein de normes.
La narration est séduisante : une France championne des IDE en Europe, une start-up nation aux 30 licornes (c’est le double au Royaume-Uni et plus de 700 aux États-Unis), mais l’Hexagone serait probablement plus attrayant aux yeux des investisseurs étrangers si l’interventionnisme n’était pas la doctrine officielle de l’État français depuis quarante ans.