Le Nouveau Libertarien

L’impasse budgétaire comme argument à la dissolution ?

Le soir des résultats de l’élection européenne, peu de surprise subsistait, le RN porté par Jordan Bardella fait un score de 31,3 % tandis que le parti présidentiel regardait fermement les résultats espérant ne pas voir la liste Réveiller l’Europe de Raphaël Glucksmann leur prendre la 2ème place. Finalement, moins d’un point les séparera et le parti présidentiel restera deuxième à 14,60%. La seule surprise de la soirée ne fut pas électorale mais le fruit d’une utilisation constitutionnelle du Président de la République, à la suite d’une allocution télévisée il annonce dissoudre l’Assemblée Nationale. 

Ce fait politique majeur fait d’office parler analystes et journalistes en tout genre. Coup de maître ou de poker ? Et si cette dissolution était le fruit d’une impasse budgétaire et politique ne permettant plus à l’exécutif de mener correctement les missions administratives de leur ressort ? 

I. Dissolution de l’Assemblée Nationale : Concepts et Mécanismes

La dissolution de l’Assemblée nationale représente une mesure constitutionnelle significative par laquelle le chef de l’État met fin prématurément au mandat des députés, entraînant la tenue d’élections législatives anticipées. Ce processus, bien qu’inhabituel, est prévu dans les systèmes politiques démocratiques pour diverses raisons, allant de la résolution des crises politiques à la restauration de la stabilité institutionnelle. En France et sous la Vème République il s’agit de l’article 12 de la Constitution qui permet au Président de proclamer par décret, une fois par an, la dissolution de l’Assemblée Nationale. 

La dissolution de l’Assemblée Nationale consiste en l’interruption anticipée du mandat législatif en cours, suivie de l’organisation de nouvelles élections législatives. Elle diffère de la simple expiration naturelle du mandat parlementaire en ce qu’elle intervient avant la fin prévue de la législature et donc chamboule l’agenda législatif.

A noter cependant que suite à la dissolution, des élections législatives doivent être organisées dans un délai déterminé, généralement dans les 20 à 40 jours, pour renouveler la composition de l’Assemblée nationale. C’est donc pour cela que les élections devront avoir lieu rapidement et que les dates du 30 juin et du 7 juillet sont celles arrêtées. 

La Cinquième République française a connu plusieurs dissolutions de l’Assemblée nationale. Par exemple, en 1962, le président Charles de Gaulle a dissous l’Assemblée suite à un vote de censure contre son gouvernement. 

En 1997, le président Jacques Chirac a dissous l’Assemblée dans un contexte de tendu pour renforcer sa majorité parlementaire, ce qui sera considéré comme l’un des plus gros échec politique de la Vème République et ouvrira la voie à une période de cohabitation.

A la sortie des résultats des élections européennes, beaucoup de personnes fut surprises devant la déclaration d’Emmanuel Macron de dissolution de l’assemblée et se demandent pourquoi. 

II. Comprendre l’impasse budgétaire et les conséquences politiques 

Depuis mars 2024, les administrations ont découvert que l’Etat ne disposait pas d’un budget illimité et qu’il fallait même revoir à la baisse certaines enveloppes accordées en Loi de Finances Initiales (LFI) 

On observe une vraie rupture des finances publiques depuis plusieurs décennies qui expliquent en grande partie l’explosion des finances publiques et la montée de l’opinion négative à son égard.

Figure 1 – Évolution des dépenses et recettes de l’État en % du PIB dur la période 1960-2024 – Source : INSEE

Ainsi, depuis 1980 nous voyons une tendance à une décorrélation des courbes de recettes et de dépenses créant de fait une dette très conséquente pour le pays.

Figure 2 – Évolution de la dette selon le type d’administration en % du PIB sur la période 1978-2024 – Source : INSEE

Nous avons donc depuis 30-40 ans une tendance significative à l’utilisation de la dette pour financer les différentes activités de l’État et notamment sur le champ des administrations centrales, très fortement dépensières.

Administration publique2023
État + Odac-157,2
Administrations publiques locales-9,9
Administrations de sécurité sociale13,2
Déficit public notifié-153,9

Table 1 – Tableau du besoin de financement des administrations publiques en 2023 – Source : INSEE

Le besoin en financement des administrations centrales et locales est l’un des points clés à prendre en compte pour comprendre les difficultés à boucler un budget pour l’exécutif.

Les causes directes du mauvais état des comptes publics 

Comme vu précédemment, les comptes publics sont dans un état déplorable mais cela n’est pas dû uniquement aux sept dernières années. Les hausses des dépenses des administrations doivent être mieux ciblées pour comprendre ce phénomène d’inflation de la dépense publique. 

Figure 3 – Évolution des dépenses publiques par type d’administration de 1980 à 2020 – Sources : INSEE, Direction du budget

On le voit ci-dessus, les dépenses d’administrations centrales ont bondi comme les dépenses d’administrations liées à la sécurité sociale. Il y a donc eu au fil des années une tendance au recours à la sur dépenses et lorsque l’on corrèle les sorties financières à la figure 1 l’on constate que cette inflation budgétaire entraîne d’office un sur-recours à la dette comme constaté en figure 2. 

L’impact des dépenses d’administrations centrales et d’administrations centrales semblent donc être le talon d’Achille de la santé financière étatique avec des hausses incontrôlées depuis plus de quarante ans.

La cause à cela ? Des politiques publiques fortement axées sur de la dépense publique et de la redistribution à travers une hausse des minimas sociaux et à l’augmentation du nombre de bénéficiaires de ces minimas sociaux. Du côté de l’administration centrale, les différents plans de relance, revalorisation des fonctionnaires et différentes dépenses d’investissement liées à l’évolution de l’État. 

La coupe budgétaire annoncée en mars ne pouvant être qu’exceptionnelle et n’étant pas suffisante pour présenter un budget en minimum en équilibre lors du projet de loi de finances initial présenté normalement au parlement en octobre, il aurait fallu proposer en plus de la LFI 2025 un Projet de Loi de Finances Rectificatives (PLFR) très sensible et auquel peu de camps politiques aurait pu l’accepter tel quel, chacun ayant ses opinions politiques propres sur chaque coupe budgétaire.

L’impasse parlementaire de la majorité

Nous pouvons donc imaginer qu’Emmanuel Macron a pris en compte ce sujet très au sérieux au moment de prendre la décision de dissoudre l’Assemblée Nationale. Il est d’ailleurs important de noter qu’afin de sceller une alliance électorale avec LR, le parti présidentiel a d’abord demandé un accord préalable à des votes favorables sur les trois prochains budgets déposés. 

En avril, les menaces sont même venues de chaque parti, chacun demandant un PLFR allant dans son sens et rendant de fait des négociations autour d’un budget commun et permettant de redresser les finances publiques. De l’autre côté l’État devra rapidement se confronter à l’Union Européenne car il ne respecte pas la règle des 3% maximum de déficit public. Cette situation inextricable semble donc être un sujet prépondérant dans la prise de position du Président de la République en faveur de la dissolution.

Pour comprendre la difficulté du Président de la République et de son gouvernement à faire voter un budget par la voie des urnes de l’Assemblée, il faut rappeler le déroulement du vote du PLF 2024. Ce vote hautement disputé aura vu le gouvernement utiliser par dix fois l’outil constitutionnel du 49.3 afin de faire passer le budget sans vote, ces derniers ayant peu de chance d’aller dans le sens du Président. Cet évènement jugé anti-démocratique aura vu l’image d’Elisabeth Borne fortement écornée menant directement à sa démission le 8 janvier 2024. Gabriel Attal nouveau Premier Ministre ne voudra certainement pas revivre cette nouvelle déconvenue et dans la recherche d’un suivi politique de la lignée macroniste il sera essentiel de ne pas avoir l’image « anti-démocratique » que le gouvernement Borne a pu subir de nombreuses fois. 

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