Cet article est inspiré du livre Defending the Undefendable (Défendre les indéfendables) publié en 1976 par Walter Block. Le livre au format numérique est disponible en libre-accès sur le site du Mises Institute.
Il a été traduit en français en 1993 par les éditions Les Belles Lettres.
Dans ce livre, Block prend la défense de personnes qui ne sont pas considérées à leur juste valeur dans nos sociétés, et met en évidence la nature essentielle des services productifs rendus par tous les individus sur le marché libre.
Il détruit ainsi les stéréotypes et souligne à quel point des activités bien souvent illégales sont en réalité essentielles. Il passe en revue de nombreux exemples et pousse le raisonnement jusqu’à l’extrême, allant jusqu’à qualifier de héros le proxénète, le vendeur de drogue, l’héritier, le spéculateur ou encore le diffamateur pour les services qu’ils rendent à la société.
Walter Block entend démontrer que ces activités sont non seulement acceptables mais bénéfiques pour l’ensemble de la communauté : elles répondent toutes, en effet, à une demande des citoyens.
L’argumentaire développé dans chaque cas, est à vrai dire plutôt convaincant et nous pousse à la réflexion sur des comportements généralement considérés comme répréhensibles, mais qui, analysés sous l’angle libertarien qu’il adopte, nous offre un point de vue unique sur leur réelle nature. L’objectif de chaque cas étant de séparer la légalité des actions individuelles avec leur perception morale.
Ici, nous allons nous attarder sur le cas du faux-monnayeur, abordé dans le chapitre 14. Plus précisément, il s’agit du faux-monnayeur privé (excluant l’Etat).
Block nous offre une perspective originale sur l’acte de contrefaçon. Il encourage un examen neutre du faux-monnayeur privé, dépouillé de tout parti pris légal, en posant une question fondamentale : qu’est-ce qui rend la monnaie émise par le gouvernement fondamentalement différente de celle produite par un individu privé ?
Il suggère que si nous ôtons le voile de la légalité, les actions de ce dernier pourraient être perçues comme équivalentes à celles d’un gouvernement ayant le monopole légal de la création monétaire.
Il met au défi le lecteur de réfléchir à pourquoi l’un est considéré comme légitime et l’autre ne l’est pas, lorsque l’on ramène l’action de base : les deux impriment de l’argent.
De ce point de vue, les actions du faux-monnayeur privé représentent un défi direct au droit exclusif du gouvernement d’imprimer de l’argent.
Dans un système monétaire où l’argent n’est plus soutenu par un actif tangible (comme ce fut le cas avec l’étalon-or), mais contrôlé par des autorités, au travers de lois sur le cours légal et d’un monopole sur la création monétaire, il s’agit selon l’auteur, d’une forme de contrefaçon à grande échelle. En gonflant l’offre de monnaie, les autorités créent ainsi de l’inflation et dévaluent au passage le pouvoir d’achat de l’argent détenu par le public.
Dans cette optique, le faussaire émerge comme une figure qui, en s’engageant dans le même acte de création monétaire, reflète involontairement les pratiques du gouvernement. Cette réflexion ne concerne pas la légalité versus l’illégalité, mais plutôt la compréhension de la nature et de la valeur réelle de l’argent.
Block continue son argumentaire et affirme que le faux-monnayeur privé, en ajoutant des unités à l’offre de monnaie, n’agit pas nécessairement de manière immorale. Selon lui, le faussaire n’essaie pas de faire passer de la fausse monnaie pour de la bonne – comme s’ils tentaient de faire passer un métal pour de l’or, mais réplique seulement une forme de monnaie illégitime.
A grande échelle, une telle activité signerait la ruine de l’État en lui retirant son monopole de création monétaire. Pour cette raison, le faussaire encourt de grands risques et s’expose à de lourdes sanctions. En France par exemple, la contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal, ou émis par les institutions étrangères ou internationales, est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 euros d’amende. A titre de comparaison, la peine maximale pour viol est seulement de moitié, soit 15 ans de réclusion criminelle.
Block conclut en soulignant le fait que les faussaires ont bien souvent un impact limité et négligeable sur la société du fait de leur taille, et ne représentent pas une réelle menace. Selon lui, leur activité n’est pas nécessairement immorale ou frauduleuse, et tend à diminuer marginalement le pouvoir de l’Etat.
L’objectif de cet exemple est d’inviter le lecteur à reconsidérer la politique monétaire et les dynamiques de pouvoir autour de celle-ci, encourageant une interrogation plus philosophique sur ce qui constitue une production monétaire légitime.
Edouard – Editeur pour la maison d’édition Konsensus Network