La tragédie survenue aux urgences de l’hôpital d’Hyères, dans le Var, avec la mort de Lucas des suites d’une septicémie, illustre une nouvelle fois l’état de délabrement de l’hôpital public français. En septembre dernier, le jeune homme de 25 ans est décédé après avoir attendu plusieurs heures sans recevoir de prise en charge médicale adéquate. L’affaire a été médiatisée plusieurs mois après, afin de tirer la sonnette d’alarme.
Ce cas est malheureusement loin d’être isolé. Dans le département de la Seine-Saint-Denis par exemple, un rapport du Sénat avait révélé des délais d’attente aux urgences parmi les plus longs de France, avec des délais médians supérieurs de 50% à ceux de presque toutes les autres régions. Le problème ne se limite pas à l’attente, mais aussi à la baisse de la qualité des soins, voire à la négligence médicale. En février, une femme de 85 ans atteinte d’une maladie neurodégénérative a été retrouvée morte dans une benne à ordures aux urgences d’Aix. Une négligence supplémentaire qui révèle les failles profondes de notre système de santé, où les personnes les plus vulnérables sont les premières à souffrir des conséquences d’une gestion défaillante de l’hôpital public.
Une centralisation excessive
De telles tragédies ont une cause plus profonde qu’elle n’y paraît. Elles sont la conséquence malheureuse de la centralisation excessive des hôpitaux publics. Les décisions administratives, prises au sommet, peuvent avoir des répercussions désastreuses sur le terrain, où les ressources sont souvent insuffisantes pour répondre aux besoins des patients. Les protocoles rigides entravent la capacité des professionnels de la santé à fournir des soins adaptés et opportuns. Dans l’affaire de Lucas ou de l’octogénaire décédée par exemple, les familles ont été contraintes de rester à l’extérieur des urgences alors que leur présence aurait certainement pu aider les soignants et leur proche hospitalisé.
Le problème n’est donc pas le manque de moyens financiers, comme on a l’habitude d’entendre, mais la centralisation d’un système qui conduit à une uniformisation des politiques de santé, sans tenir compte des réalités locales. Cette centralisation s’accompagne d’une bureaucratie hospitalière, souvent gonflée par une multitude de postes administratifs qui utilisent les fonds à mauvais escient. Certains centres hospitaliers, à l’instar du CHRU de Nancy, ont estimé que ces tâches représentaient près de 30% du temps de travail des médecins. En ce qui concerne les postes non médicaux, les chiffres de l’OCDE indiquent que 35,22% des emplois hospitaliers ne relèvent ni du domaine médical ni du paramédical en France, contre seulement 24,3% en Allemagne.
Une réforme structurelle est indispensable
Entre le directeur d’hôpital et l’infirmière, la liste des postes administratifs est longue : adjoint administratif hospitalier, secrétaire hospitalier, adjoint de cadre administratif, attaché d’administration hospitalière, agent administratif, et ainsi de suite. L’argent qui devrait être investi dans les soins médicaux se retrouve donc détourné pour financer des postes et des départements administratifs qui ne contribuent pas directement à l’amélioration de la qualité des soins. La question n’est pas de faire des économies, mais de dépenser les fonds publics de manière inefficace et non ciblée.
La mort de Lucas met en évidence les graves défauts de la gestion bureaucratique et centralisée de l’hôpital public français. Pour prévenir de telles situations, il est impératif de revoir les fondamentaux de notre système de soins, en mettant l’accent sur la décentralisation, l’autonomie locale et la réforme de la bureaucratie hospitalière. Cela implique une réforme structurelle qui repose sur une réorganisation des ressources humaines, l’amélioration de la comptabilité, ou encore le développement de l’embauche privée pour garantir des conditions de travail acceptables pour le personnel médical. Il en va de la vie et de la dignité des patients qui dépendent d’un système de santé public.