Le budget de l’État ressemble à une bombe à retardement sur le point d’exploser. Les déficits
publics atteignent des niveaux considérables, mais cette réalité est soigneusement dissimulée
par des formulations trompeuses. En rapportant un « déficit de 5,5% » soit sans préciser qu’il
s’agit d’un pourcentage du PIB soit sans s’interroger sur le bien-fondé de cette dernière
mesure, la plupart des médias bernent le public sur l’ampleur du problème. En vérité, le
déficit de l’État représente près d’un tiers de ses dépenses ! La correction budgétaire à venir
va inévitablement entraîner un séisme économique et social majeur.
Les comptes publics sont opaques et les chiffres des déficits insidieusement présentés. On
parle d’un « déficit de 5,5% » du budget de l’État pour 2023 parfois sans même préciser qu’il
s’agit d’un pourcentage du PIB ou alors sans s’interroger sur la raison de rapporter ce déficit
au produit intérieur brut. Un directeur d’entreprise calculerait-il son déficit personnel en
proportion du revenu total de l’entreprise pour laquelle il travaille plutôt qu’en fonction de
ses propres revenus ? Cette formulation laisse entendre que l’État considère pouvoir disposer
de l’ensemble de la richesse nationale.
Un déficit de 5,5% peut sembler anodin. Mais en réalité, le déficit de l’État dépasse 30% de
ses dépenses ! 520 milliards d’euros de dépenses en 2023 pour 360 milliards de recettes
représentent ainsi un déficit de 160 milliards. Dans ces conditions, une politique d’équilibre
budgétaire impliquera des ajustements draconiens. Concrètement, il faudra licencier un
fonctionnaire sur trois et réduire d’autant les crédits de fonctionnement.
Une telle saignée de la dépense publique, qui représente toutes administrations comprises
60% du PIB, ne manquera pas de provoquer une violente récession dans la foulée, faisant à
son tour s’effondrer les rentrées fiscales. L’État se verra ainsi contraint d’amplifier encore les
coupes budgétaires.
C’est finalement sans doute près de la moitié des emplois et crédits publics actuels qui
devront être supprimés. Outre les licenciements massifs de contractuels, des pans entiers de la
fonction publique titulaire seront aussi affectés.
Nous avons eu un avant-goût sous la présidence de François Hollande de ce à quoi un
assainissement budgétaire pourrait ressembler. Élu sur la promesse de juguler la dette, son
quinquennat ne permit qu’une réduction symbolique du déficit, tout juste sous la barre des
3% du PIB.
Mon expérience au sein de l’Enseignement supérieur à cette époque suggère qu’il est peu
probable que la marée descendante des crédits publics se fasse en bon ordre en préservant les
activités les plus utiles et les fonctionnaires les plus compétents. Dans l’arène budgétaire
bureaucratique, la rationalité économique n’a qu’une faible prise. Seule la hiérarchie importe
et des intrigues de bureaux ont tôt fait de renouveler les clans les plus puissants ou les plus
cyniques, aux risques cependant et aux périls de chacun.
Jusqu’à présent, les déficits publics ont pu être financés par la création monétaire. En dernière
instance, une part considérable de la dette est en effet souscrite par la banque centrale qui crée
la monnaie ex nihilo. Mais cette monétisation débridée alimente mécaniquement l’inflation.
Longtemps cantonnée à certains secteurs comme l’immobilier, l’inflation s’est désormais
généralisée, frappant durement le pouvoir d’achat sur les produits de première nécessité. La
population – en particulier les jeunes, qui sont les premières victimes – est échaudée par
l’inflation, augurant de transformations politiques profondes.
Pour tenter d’enrayer cette spirale, les banques centrales ont relevé leurs taux directeurs,
rendant le service de la dette désormais insoutenable pour les États. C’est-à-dire que le
tourbillon budgétaire a atteint un point de non-retour. C’est soit la faillite de l’État soit
l’inflation galopante qui attendent le pays. Quelle que soit la voie choisie, les déficits ont
atteint leurs limites, appelant un changement de paradigme.
Parallèlement, une refonte en profondeur du système monétaire international est en cours. De
nombreux acteurs monétaires et financiers envisagent de revenir à une monnaie rare, adossée
à des actifs tangibles comme l’or. Une monnaie qu’on ne peut créer quasi gratuitement va
restreindre mécaniquement la capacité des États à s’endetter.
Ce bouleversement, déjà amorcé, devrait être achevé dans les dix prochaines années. Une fois
le nouveau système établi, les déficits publics structurels deviendront impossibles et la seule
politique possible sera celle de l’équilibre sur le long terme.
L’ère des facilités budgétaires trompeuses touche ainsi à sa fin. L’État devra se résoudre à
l’assainissement de ses finances, quelles qu’en soient les répercussions. Étant l’un des États
occidentaux les plus endettés et les plus dépendants des déficits budgétaires élevés, la France
va être durement touchée.
Pour les jeunes qui envisageaient de se tourner vers les carrières publiques, ce constat devrait
sonner comme un avertissement. L’acquisition de compétences réelles et marchandes est une
meilleure garantie pour leur avenir. De larges pans de l’administration vont disparaître dans
une atmosphère délétère, non sans ressemblance avec les bouleversements entraînés par la
sortie du socialisme dans les pays d’Europe de l’Est à la fin de la Guerre froide.
Le temps est compté. Chacun doit se prémunir contre le grand choc inévitable à venir.