Le Nouveau Libertarien

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Réconcilier anarchistes et minarchistes

Comme dans chaque mouvement idéologique, il y a 50 nuances. Ici de liberté. Du plus modéré, au plus “extrémiste”, chacun peut trouver dans le libertarianisme, sa nuance et son officine.

Dans la philosophie libertarienne il y a principalement deux grandes familles : les minarchistes et les anarchos capitalistes.

Les premiers considèrent que l’Etat coercitif par l’impôt devrait être réduit à peau de chagrin, souvent juste au régalien, les deuxièmes pensent que l’Etat coercitif ne devrait simplement pas exister.

«  Si l’on rejette le laissez-faire en raison de la faillibilité et de la faiblesse morale de l’être humain, alors on doit également rejeter, pour la même raison, toute espèce d’action gouvernementale.  »

Ludwig von Mises

Cette différence entre ces deux courants n’est pas minime. Elle suffit à elle seule, à engendrer une guéguerre sans fin depuis la création du courant libertarien, entravant ainsi son développement. Pour le bien du libéralisme, il est aujourd’hui nécessaire de la dépasser.

La nature humaine ?

Les sujets de discorde portent tous au fond sur la nature de l’homme. Quel degré de liberté supporte-t-il ? Or s’il y a bien quelque chose que personne ne connaît vraiment c’est la nature humaine. On dresse des tendances, on suppose, on observe des généralités, mais au fond on ne peut pas la définir aussi exactement que 1+1 font 2.

Les libéraux essayent de l’étudier par intérêt anthropologique ou marketing, tandis que les communistes la nient et tentent même de l’écraser pour la remplacer par un idéal humain. Car oui, même si on parle de nature humaine, notre corps est bien initialement composé d’une sorte de matière céleste issue à l’origine du big bang et d’une force qui l’a enfanté : une forme de nature cosmique que certains appellent dieu.

La nature humaine est donc un sujet d’étude mystérieux, si mystérieux que personne n’a pu cracker son code complexe et pourtant si ordonné, afin de l’exploiter commercialement ou domestiquement à l’infini (songez aux fortunes que gagneraient tous les traders s’il existait un manuel de nature humaine prévisible à 100%).

On la sait influencée par certains critères comme l’environnement ou la rareté qui créent le droit de propriété comme arbitrage de celle-ci, mais franchement au delà, c’est de la matière noire.

Les sociétés libérales actuelles permettent la liberté

On ne connaît donc pas exactement la nature humaine et ce n’est pas grave. Même si les politiques et les curieux de la chose politique sont passionnés, à tord ou raison, par celle ci et souvent pour des raisons de contrôle, les libertariens doivent reconnaître cette vérité sur leur nature : ils ne se connaissent pas vraiment.

Les économistes libéraux ont observé puis déduit les tendances du comportement humain dans des situations de marché, en expliquant quels mécanismes économiques régissaient leurs actions et prises de décisions. La logique ainsi que l’histoire économique, ont permis de confirmer la majeure partie de leurs déductions comportementales.

L’observation actuelle nous enseigne alors que ce sont bien les sociétés libérales sous régime démocratique, à savoir celles où l’individu bénéfice d’un juste équilibre entre liberté, propriété et sécurité qui permettent actuellement de maximiser son bonheur, développement individuel comme celui de la société. Les Etats-Unis, la Suisse, Hong Hong avant la reprise chinoise ou les pays nordiques en sont la preuve tangible.

Un Suisse en 2024 bénéficie d’une économie prospère, d’un droit de propriété relativement élevé en raison d’un taux d’imposition lui laissant une part importante, d’une liberté d’expression, d’un pouvoir de contrôle sur l’appareil étatique via les référendums fréquents et d’une sécurité importante. Tout n’est pas forcément rose, mais tout n’est pas gris. La nature humaine a trouvé un compromis.

Pour autant, les libertariens et surtout les anarchos capitalistes considèrent ces sociétés comme des formes d’étatisme néfastes sinon carrément de modèles de socialisme. Ont-ils raison ?

L’horizon indépassable ?

Les libertariens sont tous d’accords avec les principes juridiques de droit naturel, et je suis personnellement en phase avec le courant anarchiste qui prône la privatisation des formes étatiques publiques actuelles reposant sur la coercition de l’impôt.

Pourtant malgré cet accord de principe, je doute. La théorie nous dit que l’humain est capable de vivre sans coercition, et c’est sans doute vrai à l’échelle d’une tribu ou d’une société atomisée sous développé, mais qui nous dit que c’est toujours le cas dans notre époque moderne ? Quel exemple actuel avons-nous de société fonctionnelle et développée qui a banni l’impôt ? Nous n’en avons pas.

Et pour cause : peut être que la nature humaine n’est pas compatible, aujourd’hui ou pour toujours, avec une liberté totale. Ici et là, des individus sont capables d’être autonomes, responsables et libres. Vous qui me lisez l’êtes sûrement. Cependant on ne fait pas société avec des individus éparpillés mais avec des masses : des milliers, centaines de milliers et millions d’individus, aux comportements et psychologies variées. Et à moins d’une dictature, forcément sanguinaire, la diversité des opinions, intelligences, sensibilités, forces, est un corollaire d’une société libre.

Si spontanément dans l’écrasante majorité, tous les pays, toutes les cultures, toutes les époques, la coercition de l’impôt ou des taxes est apparue comme le moyen le plus optimal d’organiser une société, c’est peut être malheureusement car c’est là l’horizon de liberté indépassable de la nature humaine. Si spontanément, la coercition de l’impôt est devenue le moyen le plus répandu d’organiser une société, c’est peut être simplement car il existe un horizon de liberté indépassable dans la nature humaine. Humains qui sans cet organe central qu’est l’Etat n’arrivent pas à se coordonner, donc à survire et in fine exister.

Du débat naîtra la vérité

L’être humain peut-il donc vivre sans coercition à grande échelle ? Sa nature anarchiste est-elle actuellement restreinte par un Etat prédateur et vouée à évoluer vers plus de liberté, ou a-t-elle atteinte son apogée dans la démocratie libérale/minarchiste ? La vérité n’est, et ne sera peut être jamais tranchée. Et quiconque prétend pouvoir la cerner définitivement est aussi dangereux qu’un communiste.

Ce qui est par contre certain c’est qu’elle ne le sera jamais si personne ne se parle.

Or, quelques partisans d’un camp attaquent systématiquement l’autre, le traitant de tous les noms, allant jusqu’à le désigner en ennemi, alors que son modèle n’a encore jamais existé dans les sociétés modernes et n’est peut être pas compatible avec la nature humaine. Je parle bien sûr ici de l’anarcho-capitalisme.

Bien qu’affichant des intentions louables, derrière l’anarchisme peut parfois se cacher en réalité une motivation consciente ou non de se couper du monde. Et traiter tous ceux qui réfléchissent dans le cadre étatique de socialistes est souvent un prétexte bien facile pour assouvir et laisser s’exprimer cette haine inavouable de l’autre.

For heureusement la majorité des anarchistes est de bonne foi dans sa critique de l’étatisme et du minarchisme. Et les débats sur les divers réseaux sociaux sont souvent nourris, ce qui permet d’augmenter considérablement la richesse de la philosophie libertarienne.

Accepter le chemin

Rome ne s’est pas construite en un jour comme dit le proverbe. Un monde anarchiste si tant est qu’il puisse exister, ne verra pas le jour en l’espace d’un an, mais par des avancées douces ou brusques, qui s’étaleront sur des décennies voire des centaines d’années. L’élection de Javier Milei est un phénomène intéressant à cet égard : un anarcho-capitaliste qui prend la voie du minarchisme pour aider son pays, un anarchiste qui prend conscience de la réalité de son monde et décide de composer avec la nature humaine du moment pour la guider vers plus de liberté…

C’est là tout le sacerdoce des libertariens. Accepter le chemin. Chemin libéral qui est long, sinueux, et juché d’embûches. Mais il est surtout important pour nous de garder l’espoir et la foi dans l’homme et son aspiration à plus de liberté, comme l’ont démontré ses évolutions morales pour être passé du sacrifice humain à l’abolition de la peine de mort.

Un anarcho capitaliste peut tout à fait faire des compromis avec un libéral classique quand il propose comme Macron de baisser l’impôt sur les sociétés de 33,33% (les fonctionnaires adorent les décimales) à 25% et accepter cette dynamique de petits pas. Et dans le même temps il peut activement contribuer au développement du marché avec le Bitcoin, Liberland, optimiser le plus possible ses revenus, créer des entreprises qui détruisent des monopoles comme Uber, et ainsi adopter des stratégies plus brutales. Les deux sont compatibles et souhaitables.

Minarchisme et anarcho capitalisme ne sont donc pas des adversaires. Ils sont les phares du libertarianisme et les chercheurs de l’optimal entre liberté et sécurité. Alors cessons de les opposer.

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