Le code pénal français, en ses articles 122-5 et suivants, prévoit la situation de légitime défense comme étant « une cause objective d’irresponsabilité pénale qui, sous certaines conditions, retire à un acte son caractère d’infraction pénale dès lors qu’il est commis en réponse à une atteinte injustifiée. »
En dialecte compréhensible pour nous autres mortels néophytes du droit, cela veut tout simplement dire que sous certaines conditions (ô combien complexes), un acte pénalement répréhensible peut ne pas être puni s’il est commis pour se défendre d’une atteinte injustifiée.
À cet instant, j’en imagine déjà certains pensant à la Castle Doctrine des USA, mais il n’en est rien. En effet, en France et plus largement même aux pays membres de l’UE, notre rapport à la violence et aux armes à feu est radicalement différent.
Néanmoins, l’insécurité croissante et l’incapacité de la justice à punir comme il se doit les fauteurs de troubles poussent les honnêtes citoyens à vouloir se faire justice eux-mêmes. Mais cela n’est pas aussi simple que le texte du Code pénal le laisse penser.
Je vous propose donc un rapide état des lieux sur la législation actuelle avant de vous soumettre une approche libertarienne au sujet du droit à la légitime défense.
États des lieux de la législation actuelle
Qui n’a jamais entendu un de ces faits divers où un commerçant victime d’un braquage abat un des cambrioleurs ? Bien souvent, le commerçant, responsable d’un meurtre (C. pén. art. 221-1), finit derrière les barreaux, alors que ce dernier n’a fait que se défendre.
Ce cas typique illustre le nœud du problème de la légitime défense en France, la proportionnalité et son appréciation par le juge. Cette dernière doit se faire « in concreto », c’est-à-dire en se plaçant à la place de l’auteur (≠ in abstracto, de manière générale et impersonnelle) et exclure totalement le recours au préjudice ultime (C. Pén. art. 122-5).
Notez aussi que l’acte de défense doit constituer l’unique solution pour soustraire soi-même ou autrui d’un danger. La riposte à l’agression, actuelle ou imminente, doit être absolument nécessaire et n’intervenir ni avant (agression putative) ni après (vengeance). Mieux vaut bien calculer votre coup !
Enfin, c’est à celui qui se prévaut d’un acte de légitime défense de prouver qu’il l’a fait conformément aux prérequis de la loi et de la jurisprudence. Il n’y a donc pas de présomption de légitime défense (sauf pour effraction dans un lieu habité ou vol avec violence). C’est-à-dire que, sauf preuve contraire, si vous blessez grièvement un individu qui voulait s’en prendre à vous pour un mauvais regard, il vous appartiendra de démontrer que vous l’avez fait en légitime défense. Faute de preuve, le magistrat vous reconnaîtra comme coupable d’une agression.
Concernant les forces de l’ordre, elles bénéficient d’un régime de légitime défense dérogatoire prévu à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure (article ayant grandement fait parler de lui suite à l’affaire Nahel).
Approche libertarienne du droit à la légitime défense
L’un des piliers du libertarianisme n’est autre que le principe de non-agression (« don’t thread on me » du serpent à sonnette, qui n’attaque que si on l’attaque, sur le Gagdsen Flag). Ce principe ne trouve à s’appliquer que si un équilibre des forces existe. Or, le droit à la légitime défense fait la part belle au criminel en n’instaurant pas de présomption de légitime défense, on observe même l’inverse ! Ce sont bien souvent les honnêtes citoyens qui se voient sévèrement jugés pour s’être défendus. Cela ne peut plus durer, la peur doit changer de camp !
Parce que l’on ne peut pas avoir un officier de police par maison, il est nécessaire de donner la possibilité aux victimes de se défendre, même si cela doit coûter la vie à un criminel.
Cette révolution ne pourra prendre son ampleur réelle qu’avec une réforme du droit à l’achat, à la détention et au port des armes à feu. En effet, impossible d’éviter la question, tant les deux sujets sont intimement liés. Aujourd’hui, sans aller jusqu’à une libéralisation totale, l’accès à des armes semi-automatiques et leur port dissimulé est indispensable. Une éducation spécifique sera évidemment à prévoir, comprenant entre autres les règles de sécurité ou un entraînement au tir.
Mais force est de constater qu’une présomption à la légitime défense et une libéralisation du marché des armes à feu, semblable à ce qui avait été réalisé en Estonie, permettent de rééquilibrer le rapport de force entre l’honnête citoyen et le criminel qui, de toutes façons, ne respectait pas la loi de base.
Nos détracteurs crieront très certainement que l’on va créer « le far-west » et que ce sera la porte ouverte à des mises à mort publiques. Sauf que non, et c’est même complètement l’inverse, chiffre à l’appui.
En effet, un rapport du Center for Disease Control (CDC) commandé par Barack Obama en 2012 a démontré que, chaque année aux États-Unis, le recours aux armes à feu permettait entre autres :
- D’éviter jusqu’à 3 millions de crimes (soit 8.200 par jour).
- D’éviter 400.000 crimes violents ayant pu coûter la vie à la victime.
- De créer un effet dissuasif fort. 60 % des personnes ayant été arrêtées ont admis ne pas être passées à l’acte après avoir vu que la future victime était potentiellement armée.
Enfin, comme cité plus haut, il est bon de rappeler les expériences positives de pays tels que la Suisse, l’Estonie. Il est important aussi de veiller à garder un esprit critique vis-à-vis du sempiternel homme de paille qu’est les USA. En effet, une étude statistique rapide permet rapidement de conclure que le problème majeur aux Etats-Unis est avant tout un problème culturel de rapport à la violence et non pas un problème législatif sur l’accès aux armes et au droit à se défendre.
Il est donc temps que les politiques se saisissent de ce sujet pour faire évoluer la législation et permettre aux Français de pouvoir dignement se défendre quand ils sont attaqués sans risquer pour autant de passer le reste de sa vie derrière les barreaux.
1 : Priorities for Research to Reduce the Threat of Firearm-Related Violence (2013) – https://nap.nationalacademies.org/read/18319/chapter/3