Le Nouveau Libertarien

E/acc : Révolution copernicienne libertarienne ?

Dans le panorama des idéologies, l’Accélérationnisme Efficace (e/acc) et le Libertarianisme semblent, à première vue, emprunter des chemins différents. Alors que les libertariens n’ont d’yeux que pour l’individu, le mouvement e/acc célèbre la machine homo-techno-capital-mémétique. Pourtant, malgré des fondements et des prémisses divergents, ces deux courants, aboutissent à des conclusions étonnamment similaires, notamment en ce qui concerne la décentralisation, la liberté du marché et une défiance partagée envers les structures de pouvoir établies.

Prémisses Différentes mais compatibles

Alors que les libertariens s’attachent à regarder l’individu, l’e/acc peut poser son regard sur leurs axiomes et adopter une lecture d’un point de vue différent sans toutefois les contredire.

Action humaine et extropie

Le Libertarianisme, sous l’influence de Ludwig von Mises, est ancré dans l’action humaine qui constitue son point de départ philosophique. Il soutient que toutes les actions économiques et sociales découlent des choix et des actions individuelles, mettant l’accent sur la liberté personnelle et la responsabilité.

L’e/acc, ou Accélérationnisme Efficace, prend lui pour point de départ philosophique l’ontologie. Si Guillaume Verdon, aka Beff Jezos, est le père de l’e/acc, les fondements du mouvement accélérationniste remontent à Nick Land dont la philosophie est marquée par la cybernétique découlant de la théorie de l’information de Shannon. Sa pensée est plus large que celle du libertarianisme en cela qu’il s’attache à observer le fonctionnement de tout système dans son essence. Je l’explique en détail ici, mais je vais tenter de le résumer succintement. Quel est le point commun entre le soleil, la biosphère, une plante, un humain et une société humaine ? Ils sont tous des structures dissipatives (système thermodynamique ouvert) selon les termes proposés par Ilya Prigogine. Qu’on l’observe d’un point de vue thermodynamique ou cybernétique, donc du point de vue de l’énergie ou de l’information, le but de ces systèmes est la réduction de leur entropie en s’auto-organisant par un échange d’information, d’énergie et de matière, constant avec leur environnement. Nick Land nomme ceci, l’extropie.

L’extropie d’un système repose sur la croissance et la stabilité, se maintenir dans le temps et croître. Cette pensée dépasse donc le simple individu pour penser la société comme une entité indépendante. Mais encore, par-delà la société, on trouve ce que Nick Land nomme le Techno-capital qui est la fusion de la technologie et du capital. Beff Jezos parle lui de la “machine homo-techno-capital-mémétique” pour désigner un système général incluant l’humain et les mèmes qu’il partage. 

L’action humaine peut alors être interprétée à l’aune de ces connaissances et rejoindre cependant ce que dit Mises. Pour Mises, l’action humaine vise à échanger une situation actuelle contre une meilleure situation future, l’e/acc ne dit rien de différent, mais nomme cela extropie. Un humain est un système cybernétique cherchant son extropie par son action comprise comme un échange avec l’environnement. L’e/acc peut être vu comme une révolution copernicienne libertarienne. Il retourne la logique libertarienne, ce qui lui permet d’expliquer les choses de façon plus large, mais admet que ce que dit Mises reste correct. Alors que le libertarianisme place l’action comme départ et l’objectif de l’action comme phénomène contingent, l’e/acc prend l’objectif, compris comme l’extropie, comme point de départ et l’action nécessaire à ce but comme contingente. Il est essentiel de préciser qu’en qualifiant les humains de « systèmes cybernétiques », je ne sous-entends pas que les interactions humaines soient comparables à des algorithmes prédéfinis. Au contraire, l’aspect cybernétique ici fait référence à une nature stochastique, où les individus agissent et réagissent de manière imprévisible et non linéaire. 

Axiome de l’argumentation et système cybernétique

Dans le cadre du libertarianisme, l’axiome de l’a priori de  l’argumentation de Hoppe est considéré comme un pilier fondamental, surpassant même l’action individuelle en termes d’importance épistémologique. Selon Hoppe, la capacité de mener une argumenation est intrinsèquement liée à la reconnaissance de la liberté individuelle et de la propriété. C’est une vérité apodictique conférant son statut supérieur au droit naturel.

Cette perspective peut aussi être examinée sous l’angle de la cybernétique. Deux individus engagés dans une argumentation constituent un système cybernétique échangeant des mèmes. Dans ce contexte, le processus d’argumentation peut être vu comme un processus d’échanges d’informations et d’adaptations mutuelles, caractéristiques des systèmes cybernétiques. Chaque participant dans l’argumentation agit comme un nœud au sein d’un réseau plus vaste, traitant, répondant et ajustant les informations reçues. Cette interprétation enrichit la compréhension de l’argumentation, non seulement comme un acte de communication rationnelle, mais aussi comme un phénomène complexe où les individus et leurs idées s’entremêlent dans un flux continu d’informations. L’axiome de l’argumentation nous dit donc que le principe de non-agression et la propriété qui en découle sont valables pour tout système cybernétique humain (culture) composé d’au moins deux individus. Non seulement cela admet le droit naturel mais cela va encore plus loin en affirmant tout simplement que la réalité règne, peu importe les lois instituées s’y opposant. 

L’argumentation et la convergence sur des idées de « haute qualité » sur le marché des idées sont intégrées dans la machine « homo-techno-capital-mémétique », où les humains, les technologies, le capital et les mèmes sont tous couplés les uns aux autres et influencent la sélection des uns et des autres. La réflexion des libertariens découvrant des lois apodictiques est une action de ce système lui permettant de s’auto-organiser plus efficacement. 

Conclusions Similaires

Auto-organisation et ordre spontané du marché libre

Les deux idéologies partagent une croyance dans le pouvoir de l’auto-organisation (ordre spontané) et la supériorité du marché libre. Le libertarianisme promeut le marché libre comme le moyen le plus efficace d’allouer les ressources et de favoriser l’innovation. L’e/acc, bien que mettant l’accent sur l’accélération technologique et économique, aboutit à une conclusion similaire : les forces du marché libre sont essentielles pour stimuler une croissance rapide et efficace.

Décentralisation

Tant le libertarianisme que l’e/acc valorisent la décentralisation. Les libertariens y voient un moyen de maximiser la liberté individuelle et de limiter le pouvoir de l’État. L’e/acc considère la décentralisation comme un effet naturel et nécessaire de l’accélération technologique et économique, permettant une plus grande flexibilité et adaptabilité.

Méfiance envers l’État et les Structures de Pouvoir

Enfin, un point de convergence majeur entre l’e/acc et le libertarianisme est leur méfiance commune envers l’État et les structures de pouvoir traditionnelles. Pour les libertariens, cette méfiance découle de la conviction que l’État limite la liberté individuelle et l’efficacité du marché. Pour l’e/acc, les structures de pouvoir traditionnelles sont perçues comme des freins à l’accélération nécessaire du progrès technologique et économique. Les institutions représentent le vieux monde mis en danger par les innovations technologiques qui ont intérêt à lutter contre ces dernières pour préserver leur pouvoir.

Soutenez notre lancement !

À la une