Quand on parle d’anarcho-capitalisme (ancap), la première remarque, question ou critique qui surgit concerne souvent la police et la justice. On se demande comment un pays avec une police privée pourrait fonctionner, comment éviter les conflits d’intérêts et garantir que le plus offrant ne soit pas systématiquement le gagnant.
Préambule : L’Essence de la Communauté dans l’Anarcho-Capitalisme
Avant de plonger dans le sujet initial, il est primordial d’aborder un point important. Bien que ce ne soit pas notre sujet principal, il convient de déconstruire une idée reçue : dans un pays ancap, la société ne serait pas simplement la somme de ses individus, comme pourrait le laisser penser la théorie libertarienne. En réalité, l’essence humaine aspire à la vie en communauté, à l’échange et à la communication. Cette vérité universelle se reflète aussi bien dans le monde animal que dans l’histoire humaine.
Imaginons donc, un pays ancap comme un patchwork de communautés et de groupes divers. Dans cette mosaïque, chaque groupe – qu’il soit composé de communistes en quête de leur idéal, de libéraux, d’étatistes, d’amoureux de la nature et de la ville ou que sais-je – se rassemble entre eux, autour de valeurs et d’objectifs communs. Le choix de la communauté n’est pas laissé au hasard, mais résulte d’une quête délibérée d’appartenance. Chaque communauté, une fois formée, établit ses propres règles et lois, en vigueur uniquement parmi les individus liés par un contrat mutuel.
Cette approche offre une nouvelle perspective : la formation d’une communauté dans un pays ancap s’apparente à la construction d’une ville, avec la particularité que l’adhésion à ses lois est conditionnée par un contrat signé et voulu, et donc non subie comme aujourd’hui. Il est important de noter que choisir de ne pas s’engager avec une communauté est également une option, mais cela signifie que les règles et protections qui s’appliquent au sein de celle-ci ne seront pas étendues à ceux qui restent en dehors.
Réinventer la Police dans un Monde Anarcho-Capitaliste
L’application de l’anarcho-capitalisme à la structure policière ouvre un champ de possibilités inédites. Selon votre contrat de communauté, la forme que prendra la police peut varier grandement. Imaginez un spectre de solutions, allant d’une police municipale classique à des modèles plus novateurs et contractuels. Prenons un exemple concret : dans une petite communauté, il pourrait, ne pas être viable d’avoir sa propre force de police. La solution ? Faire appel à une société de sécurité extérieure. Mais allons plus loin : et si c’était aux citoyens eux-mêmes de définir l’application de la loi, voire de choisir de ne pas l’appliquer du tout ? Les possibilités sont aussi vastes qu’innovantes.
Dans la pratique, la majorité opterait pour un système policier municipal et démocratique, semblable à ce que nous connaissons, les différentes sociétés du monde actuel se sont construites autour de cette logique. Toutefois, l’anarcho-capitalisme se différencie par sa flexibilité, permettant l’existence de modèles alternatifs et respectant les choix des minorités.
Considérez le cas de la France, où, malgré un système étatique centralisé, la police municipale, plus proche du terrain, est parfois mieux équipée et plus adaptée aux besoins locaux que la police nationale. Imaginez une communauté désirant une sécurité maximale : elle pourrait opter pour une force d’intervention semblable au GIGN en permanence. À l’inverse, d’autres pourraient choisir l’absence totale de police.
Un point sur la police d’élite : alors que certaines communautés pourraient envisager leur propre service d’élite, pour d’autres, la solution résiderait dans la collaboration avec des sociétés de sécurité privée hautement spécialisées. Cette approche n’est pas nouvelle ; pensez aux contractors militaires privés utilisés mondialement pour des missions sensibles, dans un autre registre, les chasseurs de primes aux États-Unis, les détectives privés, les services de gardiennage, de transport de fonds, de vigiles ou de gardes du corps. Ces organisations privées sont capables de remplir toutes les fonctions traditionnellement associées à une police nationale. Personne n’a jamais remis en question le fait que les transporteurs de fond soient armés, que certains gardes du corps le soient également… bref du privé qui assure des missions de sécurité.
La Justice dans un Monde Anarcho-Capitaliste : des possibilités infinies
L’approche de la justice dans un contexte anarcho-capitaliste nous oblige, encore une fois, à franchir le pas de la théorie vers la réalité concrète. Dans cette réalité, comme pour la police, la plupart des communautés pencheraient vers un système judiciaire familier, avec des juges élus et des jurys. C’est un modèle éprouvé, façonné par l’expérience et le temps. Toutefois, dans le monde flexible et diversifié de l’anarcho-capitalisme, les options sont presque illimitées. Imaginez tout, depuis l’élection aléatoire de jurés décidant à la majorité, jusqu’à l’absence totale de système judiciaire, en passant par une infinité de nuances.
Les juges, principalement financés par les membres de la communauté, seraient vraisemblablement élus, ce processus étant perçu comme le plus représentatif. Mais que diriez-vous d’autres alternatives, comme la nomination par le chef de la communauté, un jugement direct par les citoyens, ou même un système sans juge ?
La question de la gestion des prisons suit naturellement. Dans un monde ancap, le choix reste vaste : les prisons pourraient être gérées par la communauté, suivant le modèle des points précédents, ou bien être confiées à des sociétés privées de gestion carcérale. Ce concept n’est pas nouveau et est déjà en pratique dans divers pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et certains pays africains, où des entreprises telles que GEO Group ou CoreCivic gèrent des établissements pénitentiaires.
Conclusion
La vision anarcho-capitaliste de la société, bien que semblable en surface à nos systèmes actuels, permettrait de répondre aux attentes de chaque individu. La clé réside dans le pouvoir de la concurrence et la diversité des approches. Imaginez un monde où chaque communauté, armée de la liberté de choix, peut expérimenter avec des modèles de gouvernance variés, peser leurs mérites, et adopter celui qui lui convient le mieux. Cette richesse de choix et de nuances n’est pas seulement une question de préférence, mais aussi un profond respect pour la pluralité des communautés et des individus.
Ici, la possibilité de vivre en dehors de toute communauté, dans un isolement choisi, devient une réalité tangible. Cela ouvre la voie à une société où les besoins et désirs de chaque personne sont non seulement reconnus mais aussi respectés et facilités.