La question de la lutte contre la pauvreté refait surface avec l’allocation sociale unique, une proposition de réforme lancée par le Premier ministre Michel Barnier, qui vise à regrouper les différentes prestations sociales. « Il faut que le travail paie plus que l’addition des allocations » a-t-il affirmé. Malgré l’existence d’une myriade d’aides sociales en France (prestations familiales, minima sociaux, prestations d’aide sociale départementale, prestations de protection sociale, etc.), le taux de pauvreté n’est pas descendu à son niveau du milieu des années 80 (13,8 % en 1984 contre 15,9 % en 2022). Cela pose la question suivante : faut-il redistribuer ou alléger le poids des taxes pour éradiquer la pauvreté ?
Dépendre de l’État ou mieux vivre des fruits de son travail ?
Les aides sociales, conçues pour pallier les situations de précarité, finissent trop souvent par enraciner les individus dans une dépendance chronique vis-à-vis de l’État. En France, pays gangrené par le collectivisme, on a tendance à oublier que le problème de la pauvreté ne se résout pas à travers la redistribution, mais grâce à un environnement économique où chacun peut récolter les fruits de son travail. Appeler ouvertement à la taxation des plus riches et des grandes entreprises est devenu un réflexe chez nos politiciens professionnels. Le populisme ne résiste toutefois pas à l’analyse des faits : en Suisse, pays dans lequel les dépenses publiques s’élèvent à 33,6 % du PIB en 2023 (contre 56,6 % du PIB en France), le salaire moyen est de 67 409 euros bruts, contre 38 184 euros bruts en France selon l’OCDE. Contrairement au Français moyen, le Suisse moyen baigne dans une culture où la responsabilité individuelle et le travail priment sur l’État-nounou. Si ce petit pays, encore très pauvre au 19ème siècle, est devenu aussi riche, ce n’est certainement pas grâce à la redistribution, mais grâce à son système politique décentralisé, à son scepticisme envers le pouvoir, à la primauté de l’individu sur le collectif et à un environnement économique libre et concurrentiel.
Une réforme nécessaire : réduire les impôts sur l’ensemble des salaires
En France, des réformes fiscales ont été menées pour soutenir les ménages les plus modestes, notamment par le biais d’exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. Jusqu’à récemment, les effets bénéfiques de cette politique étaient reconnus dans la littérature scientifique, si l’on se réfère aux 17 évaluations réalisées sur les dispositifs mis en œuvre au début des années 80.
Cependant, ces conclusions sont à relativiser depuis la publication du rapport Bozio-Wasmer en avril dernier, qui s’intéresse aux politiques d’allègements de cotisations en faveur des bas salaires depuis 1993. Les exonérations de cotisations, bien qu’efficaces pour soutenir l’emploi des bas salaires, ont des effets mitigés sur la progression des salaires eux-mêmes. En effet, si le taux de cotisation employeur au niveau du Smic est passé de 45 % en 1993 à seulement 6,9 % en 2024, ces dispositifs ont vu leur coût budgétaire exploser – plus de 80 milliards d’euros. De plus, la dégressivité des aides serait susceptible d’entraîner une « trappe à bas salaires » : dès que le salaire dépasse un certain seuil, les exonérations diminuent, ce qui incite peu les employeurs à proposer des hausses salariales.
Baisser les impôts sur l’ensemble des salaires serait certainement plus pertinent pour augmenter leur niveau général. Le dernier rapport de l’OCDE consacré à cette question montre que la France est l’un des pays de l’OCDE ayant le plus de charges patronales. On peut lire notamment : « les employeurs en France paient 26,6 % des coûts de main-d’œuvre sous forme de cotisations patronales, soit le niveau le plus élevé parmi les pays de l’OCDE ».
L’obsession des inégalités
La perspective d’une telle réforme semble peu probable tant que la classe politique française sera hermétique à l’idée de réformer l’État-providence et obsédée par la lutte contre les inégalités. Les inégalités et la pauvreté sont pourtant deux sujets distincts : réduire les inégalités consiste à rapprocher les niveaux de vie entre individus, tandis que la lutte contre la pauvreté consiste à améliorer les conditions de vie des plus démunis. À force de se focaliser sur les écarts, une politique axée sur l’égalisation des conditions ignore les racines de la pauvreté. Le fait de vouloir réduire à tout prix les inégalités, le plus souvent avec des impôts plus élevés sur les catégories sociales favorisées, risque de freiner la dynamique économique nécessaire à la création de richesses, qui bénéficie in fine à tous les niveaux de la société.
Le débat sur la pauvreté mérite de dépasser la seule question de la redistribution. En France, certaines aides sociales comme le RSA n’ont même pas de durée limitée, alors qu’elles devraient être considérées comme une solution temporaire dans leur principe même. Contrairement aux aides publiques, une fiscalité limitée aurait l’avantage de permettre à chacun de vivre des fruits de son travail. C’est une vision qui valorise l’effort et qui lutte bien mieux contre la pauvreté, à long terme, que n’importe quelle politique d’obédience socialiste.