En France, trois incidents distincts mais interconnectés ont mis en exergue les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Une initiation ou une relecture du « Manifeste d’un Cypherpunk » est indispensable pour comprendre les enjeux de la Liberté d’expression à l’ère d’internet, afin de garantir la vie privée, et de ne jamais laisser nos voix enchaîner par quelconque puissance.
La chaîne d’information CNews s’est trouvé au cœur d’une polémique suite à la décision du Conseil d’État, exigeant une plus grande transparence et un contrôle accru sur la pluralité des opinions exprimées à l’antenne. Cette situation, découlant de la critique par Reporters sans frontières du manque de diversité et d’indépendance dans le traitement de l’information, a suscité un débat sur l’équilibre entre la liberté d’entreprise et l’obligation de pluralisme dans le paysage audiovisuel français.
Presque simultanément, l’Assemblée Nationale a adopté l’article 4 dans le projet de loi visant à « renforcer la lutte contre les dérives sectaires », une mesure législative controversée à cause de l’atteinte potentielle à la liberté d’expression, en particulier en ce qui concerne la critique des pratiques médicales et pharmaceutiques. Cette législation a soulevé des préoccupations quant à la possibilité d’étouffer le discours critique sous couvert de la protection de la santé publique.
Un jour après, une vague de censure a frappé des comptes Telegram, bannissant des voix qui contestaient le traitement médiatique de sujets géopolitiquement sensibles.
Ce mouvement de répression numérique accentue les craintes d’une surveillance accrue et d’une limitation de la liberté d’information, poussant le débat sur la liberté d’expression bien au-delà des frontières traditionnelles des médias vers le vaste et insondable territoire d’Internet. Ces incidents, interconnectés, dressent une image préoccupante de l’état actuel et du futur de la liberté d’expression en France, un enjeu qui, plus que jamais, nécessite une vigilance et un engagement constants.
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »
Evelyn Beatrice Hall, The Friends of Voltaire, 1906
La vision libertarienne de la liberté d’expression repose sur le principe que cette liberté est un droit naturel fondamental et inaliénable, cruciale pour le fonctionnement des sociétés modernes. Chaque individu doit avoir le droit d’exprimer ses idées et opinions, sans craindre la censure ou des représailles, tant que ses paroles ne causent pas de dommages physiques directs à autrui ou n’empiète pas sur la propriété d’un autre.
« Le seul homme qui ait le droit de m’empêcher de coller ma pensée sur un mur, c’est le propriétaire de la maison. »
Choderlos de Laclos, 1791
Cette approche repose sur la conviction que la vérité et le progrès émergent le plus efficacement dans un environnement où les idées peuvent être librement échangées et contestées. Les réglementations restrictives sur la liberté d’expression, souvent invoquées au nom de la sécurité nationale, de l’ordre public ou de la morale, peuvent finir par étouffer le débat public et la pluralité des perspectives. La nécessité de tolérer les discours provocateurs, à condition qu’ils ne mènent pas à la violence, est cruciale car c’est par la confrontation d’idées et le dialogue que la société évolue et atteint un consensus enrichissant. La liberté d’expression comprend également le droit de ne pas s’exprimer et le droit de garder l’anonymat. Ceci est essentiel pour protéger les dissidents, les lanceurs d’alerte et les minorités contre les représailles et pour garantir une véritable diversité d’opinions sans peur de persécution.
Dans ce monde en constante évolution, où le numérique devient le théâtre principal de nos échanges, la question de la liberté d’expression s’étend inévitablement à Internet. Les Cypherpunks, précurseurs dans la défense de cette liberté, ont compris avant beaucoup l’importance cruciale de préserver l’anonymat et la vie privée en ligne. Reconnaissant les défis posés par l’augmentation de la surveillance gouvernementale et corporative, ils ont milité pour l’adoption généralisée de la cryptographie comme moyen de sécuriser les communications individuelles. La nécessité de garantir une liberté d’expression inébranlable sur Internet est plus qu’une simple extension de nos droits habituels ; c’est une condition sine qua non pour le maintien de nos libertés à l’ère du numérique. Le « Manifeste d’un Cypherpunk », rédigé par Eric Hughes en 1993, souligne l’importance de systèmes permettant des échanges anonymes, non seulement pour protéger les individus des regards indiscrets mais aussi pour sauvegarder le fondement même de la liberté d’expression.
«Le droit à la vie privée implique de pouvoir choisir ce que nous souhaitons révéler de nous-même au monde.»
Eric Hughes, A Cypherpunk’s Manifesto, 9 mars 1993
Les Cypherpunk n’ont pas seulement promu la théorie mais se sont engagés dans la pratique active du changement social à travers la technologie, posant les bases d’un Internet où chaque individu a le droit de s’exprimer librement, sans crainte de surveillance ou de répression. Leur vision offre un contrepoint nécessaire à une tendance croissante à la régulation et au contrôle des discours en ligne. Ils ont développé des outils de cryptographie tels que PGP (Pretty Good Privacy) pour le chiffrement des emails, favorisant ainsi la confidentialité des communications. Le réseau Tor, issu des principes Cypherpunk, permet aux utilisateurs de naviguer sur Internet de manière anonyme, protégeant leur identité et leurs données contre les regards indiscrets. Ils ont également été à l’avant-garde du développement de la monnaie numérique avec la création de b-money et Bit Gold, précurseurs du Bitcoin, illustrant leur désir de transactions financières privées et sécurisées en dehors du contrôle des institutions traditionnelles. En matière de logiciel, ils ont encouragé le développement de systèmes d’exploitation sécurisés et de logiciels libres, comme avec le projet GNU, renforçant la protection contre l’ingérence extérieure et augmentant la transparence du code.
En s’inspirant des Cypherpunks, nous comprenons que la défense de la liberté d’expression sur Internet ne se limite pas à protéger nos paroles contre la censure ; il s’agit aussi de défendre la confidentialité et l’anonymat, pour garantir la Liberté. Dans ce combat pour la liberté d’expression, chaque action compte, chaque ligne de code peut être une barricade contre l’oppression, chaque message crypté une affirmation de notre droit à la vie privée.
«Nous savons que le code est indestructible et qu’un système largement décentralisé ne peut pas être arrêté.»
Eric Hughes, A Cypherpunk’s Manifesto, 9 mars 1993
Pour quiconque souhaite comprendre plus profondément les principes et les enjeux derrière le combat pour la liberté d’expression à l’ère numérique, la lecture de « A Cypherpunk’s Manifesto » s’avère inestimable (Lien en Anglais et en Français). Écrit par Eric Hughes, l’un des pionniers du mouvement Cypherpunk, ce texte concis mais puissant pose les fondations de la nécessité impérieuse de la cryptographie pour maintenir la vie privée, la sécurité et, par extension, la liberté d’expression dans notre société moderne. Facilement accessible et rapide à lire, ce manifeste n’est pas seulement un document historique, mais une boussole pour tous ceux qui naviguent dans le paysage complexe de notre monde numérisé. Je vous encourage vivement à le découvrir, à le méditer et à le partager, pour mieux comprendre le combat crucial que mènent les Cypherpunks pour nos droits fondamentaux.